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par Elise » 07 mars 2018, 15:03
Bonjour Sophie, bonjour à toutes,
mon bébé est né le 14 décembre 2017, et j'ai vite repris le travail, pour garder la tête hors de l'eau et me prouver que la vie continue, qu'elle continuera, et qu'il faut s'en réjouir :j'en avais vraiment besoin pour ne pas sombrer trop profondément.
Aujourd'hui je quitte ce travail, pour des raisons professionnelles, mais je sens que mon moral a enfin de la place pour chuter de manière parfois vertigineuse. Et autour de moi, des femmes enceintes, partout. Ma cousine, ma collègue, 3 collègues de mon compagnon. Hier soir encore, nous avons appris au restaurant, à table avec 14 personnes, que la femme assise à côté de nous attendait un bébé pour septembre. Ce matin un courrier qui m'annonce que ma mutuelle prend en charge les frais d'obsèques de notre bébé. Et au coin de la rue, une femme enceinte, le ventre tout rond. Mes amies ne m'appellent plus particulièrement, ma famille non plus. C'est pourtant maintenant que j'ai le plus mal. Je me sens maman (c'était notre premier enfant) mais personne ne le sait. Je me sens maman qui a perdu son enfant, mais personne ne le reconnait. Ma meilleure amie a même pris ses distances, ayant apparemment peur que je sois trop dans le drame et pas assez positive. Je positive pourtant, je sais que nous y arriverons, à aller mieux, à aller bien, à être heureux même. Je me lève, je vais au travail, nous déménageons, bref, je vis. Mais ce monde parallèle qui s'est créé en moi me rend encore plus triste, car crée un éloignement fou entre mes proches et moi, avec les moins proches même. Comment répondre à la question "vous avez des enfants ?", comment expliquer que l'on vit un des moments les plus douloureux de notre vie de femme, de parents, et que ça va être long, même si ce moment est aussi plein de bonheurs, de plaisirs ? Je suis parfois en rage de réaliser combien ce sujet est tabou dans notre société : à la douleur et l'injustice de la perte s'ajoutent l'incompréhension des autres, leur manque de considération, l'interdiction parfois d'en parler, ou de montrer sa tristesse, le manque de connaissance de ce sujet qui force à se justifier... Je suis en train de me questionner sur le fait d'être plus souvent seule pour traverser ce deuil, le vivre vraiment, pour retrouver les autres plus tard, quand j'aurai moins besoin d'en parler. Aujourd'hui je devais prendre ma voiture et aller préparer quelques cartons dans ma maison, à 1h30 de notre appartement actuel, mais depuis 10h ce matin je n'arrive pas à bouger. Je vous remercie mille fois d'être là et de lire ce message, de le comprendre, et à la fois je suis tellement triste de n'avoir aucune personne de ma famille ou de mes amis à appeler dans ces moments-là.
Merci à vous, plein de tendres pensées,
Elise
maman de iann, envolé le 14 décembre 2017
maman de virgile, né le 18 mars 2019