La place des souvenirs
Si les rituels sont importants pour signifier l’existence du tout petit dans le deuil périnatal, les souvenirs le sont tout autant. Ils permettent à leur tour d’entretenir le lien d’attachement qui se tisse par-delà les années qui passent, témoignent du passage de notre tout-petit au creux de soi et donnent une dimension significative, spirituelle, religieuse ou affective de la relation avec l’enfant. Une boite renfermant les moments partagés, des photos, un bracelet avec sa date et son heure de naissance, un tatouage, un arbre… Autant de souvenirs qui accompagnent les familles qui traversent ce deuil si particulier, qui donnent sens au chemin parcouru et qui témoignent souvent d’une volonté de transmettre l’histoire d’une vie.
« Lorsque cette grossesse est arrivée, elle avait déjà son bagage. Deux fausses couches, un arrêt spontané du cœur et enfin celle-ci. Celle que ma gynécologue avait qualifié de “allez, je la sens bien celle-ci”. Non. Lorsque nous avons appris que cette grossesse non plus ne serait pas, tout est allé à la fois trop vite et trop lentement. Un espoir infime que l’on cultive malgré soi. Le quotidien mécanique, car nous avions aussi un aîné à préserver, ce potentiel grand frère de 5 ans. Une fois la décision de l’IMG prise, nous avons pris la fuite. Un week-end tous les trois, tous les quatre pour donner un souvenir à cette famille, à cet enfant qui ne viendrait pas. C'est durant ce week- end que je suis rentrée dans une brocante, comme hypnotisée et que j’ai acheté une petite boîte en fer, aux inscriptions effacées pour y déposer les souvenirs et eux, ne pas les effacer. » Perrine
« Ce jour résonne pour moi comme une date maudite : le 12/09/2014. Nous sortons du baptême de notre second fils Eden, date à laquelle nous avons pour la première fois senti les mouvements de Mila et pour qui déjà, son sort était décidé (nous avions appris quelques semaines avant sa trisomie 21). Ce jour là, ce 12 septembre 2014, nous avons dû faire face à notre choix de mettre à fin à sa vie tout en vivant l’accouchement comme si elle allait finalement sortir et nous sourir, quelle ironie et quelle malédiction de devoir vivre avec ce choix qui nous hante chaque jour que Dieu fait. Chaque fois qu’une chanson résonne avec Mila, chaque fois que nous voyons une personne trisomique, chaque fois qu’un de nos 3 enfants nous pose des questions sur leur sœur, chaque fois qu’on nous demande notre livret de famille… chaque jour … nous pensons à elle, au fait qu’elle aurait pu (aurait dû) être là ! Pensée à toutes les famille qui comme nous ont perdu un enfant … La musique que j’écoute en mémoire de Mila : « Empty » de Ray La Montagne » Michel
« A Lanis, Pour surmonter l'insupportable vide créé par ton absence. Pour faire vivre mon amour pour toi et montrer qu'il a du sens. Je cherche et crée des signes de ta présence dans ma vie. Je lutte pour que ton souvenir ne sombre pas dans l'oubli. Alors je dors avec le double du doudou avec lequel tu es parti. Je regarde les photos trop peu nombreuses de toi à jamais endormi. J'allume ta bougie pour que tu brilles comme une étoile dans notre maison. J'écoute à tue-tête les mélodies et chansons que j'ai sélectionnées en ton nom. Quand tu me manques trop je te parle et te demande de me pardonner. Même si je sais au fond de moi que ce non choix pour toi nous l'avons fait. Et si aujourd'hui tu n'existes peut-être que dans mon coeur et dans mes pensées. Tu resteras à jamais notre fils, notre ange gardien et notre étoile du berger» Peggy
« Vivre le décès de son bébé est tellement impensable et violent que pouvoir regarder ou toucher des objets qui font sens pour moi et qui m’accompagnent depuis 15 ans est réconfortant. Ainsi, pour ma part, il est important d’ouvrir quand je le souhaite la valisette de « mon petit prince » qui contient de nombreux souvenirs. Parmi ceux-ci, deux d’entre eux tiennent une place particulière. D’une part, il y a les photos que nous avons pu et voulu prendre avec mon conjoint, ces photos qui marquent le passage éclair de notre fils Mathis auprès de nous et que je peux regarder quand bon me semble. D’autre part, il s’agit d’un carré de laine blanc et doux, tricoté par ma mère, qui est à l’identique de la petite couverture qu’elle a conçue avec amour afin que mon fils puisse nous quitter chaudement vêtu. Ce morceau de laine est un objet de réconfort et de douceur dans des moments difficiles de la vie. » Laetitia
« Nous avons dû arrêter notre grossesse à 15 semaines d'aménorrhée. Pour malformation. Nous avons donc vécu un accouchement afin de faire une biopsie et j'ai donc demandé à la voir, à la tenir dans mes mains pour lui dire aurevoir. Je lui ai fait un petit cadeau pour l'accompagner dans son voyage : un bonnet à sa taille et une petite couverture. Il a été aussi important pour moi de pouvoir faire "des jolis photos" d'elle dans ma main, que je peux regarder de temps en temps pour ne pas l'oublier telle qu'elle a été. Après ça, je me suis faite tatouer ses empreintes en taille réelle pour qu'elle soit à tout jamais avec moi. Qu'elle soit visible et non un sujet tabou. Et pour qu'elle existe. Car la législation oublie les bébés nés avant 22 semaines, en effet il n'apparaissent pas dans les livrets de famille. J'avais donc ce besoin de lui faire une vrai place ! » Emilie
« Je m'appelle Anne-Lise, je suis la maman de Léon 3 ans et demi, Paul né sans vie il y a 1 an et 2 mois, et Louis 3 mois. Des objets qui me ramène à Paul il y en a plusieurs et ils sont nécessaires pour moi. J'ai à mon poignet 3 bracelets, offert à chaque naissance de mes enfants avec leur prénom et date de naissance, c'était une évidence que celui qui représente Paul me suive au quotidien. Parmi les photos de famille dans le salon, il y a une affiche encadrée "tu es ma plus belle étoile" suffisamment subtile pour que comprenne ce qui le souhaite. Et puis il y a cette boite cachée dans mon dressing pour ne heurter la sensibilité de personne. Cette petite valisette d'enfant m'avait servie à annoncer la grossesse au papa. J'ai voulu la garder et y mettre tous les souvenirs concernant Paul : les photos prises par les equipes médicales, ses empreintes, nos bracelets (naissance/hospitalisation), son acte de naissance, des sablés avec message que l'on avait fait avec Léon pour annoncer le fait qu'il devienne grand-frère, nos photos mois après mois de mon ventre qui s'arrondie, et les photos de ce qui s'est passé de marquant dans nos vies en l'attendant. Et puis il y a cette attention particulière, de mes amies, qui nous ont offert un arbre, qui fleurira chaque année fin juin pour apporter de la douceur à cette période difficile. C'est une évidence, dans notre nouvelle maison cet azalé tronera à proximité de l'aire de jeux de Léon et Louis. Le meilleur endroit de la maison pour nos 3 enfants. » Anne-Lise
« Le 4 décembre 2020, nous avons perdu le premier fruit de notre amour, notre petite fille. Tant désirée et tant attendu. J’étais à 6 mois de grossesse et Romy avait une hernie diaphragmatique. Elle s’est envolée à la suite d’une IMG avec un doudou tout doux et une partie de nous, de nos cœurs. Depuis sa disparition, nous gardons plusieurs souvenirs de son existence. Une jolie boite en bois gravée de son prénom qui abrite un test de grossesse positif, le bola que je portais lorsqu’elle était dans mon ventre et les mots de soutiens de nos proches. Nous avons aussi un carnet de mot que nous lui avons directement adressé ainsi qu’un album photo retraçant ma grossesse et 2 photos d’elle lors de notre rencontre. J’ai également fait un cadre avec ses empreintes de pieds que l’hôpital m’a donné et son bracelet de naissance. Il est difficile de se dire que notre histoire se résume qu’à si peu de matériel, mais les sentiments et les souvenirs sont plus fort et resterons éternellement. Nous la faisons vivre à travers nous et espérons qu’elle est fière de son petit frère et de la famille que nous formons. » Christiana et Jimmy.
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