Deuil périnatal : le regard des proches
La parole du professionnel
En tant que psychologue spécialisée dans le deuil périnatal, je ne rencontre pas souvent de proche. Leur parole ne m’est relatée que par le biais de mes patients, eux-mêmes directement concernés par la perte de leur bébé. Et quand je parle de proches, je pense aux parents de mes patients, aux frères et sœurs, aux amis, aux oncles et tantes, …, mais également aux autres enfants déjà présents dans la fratrie.
Les enfants déjà présents, selon leur âge et leur histoire, ont tous des histoires uniques et une manière personnelle d’intégrer cet évènement à leur histoire. Certains vont très souvent faire référence à leur petit frère ou petite sœur parti trop tôt, d’autres vont exprimer beaucoup de tristesse ou beaucoup de curiosité, et d’autres encore ne vont quasiment rien dire. Cela dit, en général, les enfants qui ont pu s’impliquer dans la grossesse et à qui on a pu répondre à leurs demandes, intègrent ce deuil sans particularité - entendre tabou - contrairement au reste de la société.
Concernant les adultes, nous ne connaissons que trop bien les réactions maladroites, les minimisations, les dénis, les phrases involontairement blessantes par méconnaissance, voire les demandes de « passer à autre chose » le plus rapidement possible. Cela ne représente cependant pas la majorité des réactions. Certains proches expriment beaucoup de peine, de compassion, d’inquiétude, … Parfois même, leur peine peut-être trop envahissante pour les parents.
Je repense à cette patiente qui expliquait qu’elle prenait de la distance avec ses parents car les paroles et les attentions de ses parents l’étouffaient. Elle n’avait pas envie d’avoir à « gérer » leur tristesse. Néanmoins, après une discussion avec eux, ces derniers ont réussi à lui expliquer qu’ils avaient peur qu’on ne leur laisse pas de place dans ce processus de deuil, qu’on les oublie, alors qu’eux considéraient cet enfant décédé prématurément comme leur petit enfant. Ils voulaient qu’on reconnaisse leur place dans cette histoire familiale et la peine qu’eux aussi pouvaient ressentir. Après cet échange, les relations entre ma patiente et ses parents se sont tout de suite apaisées et surtout, ce travail de deuil a pu se faire en groupe, en famille, chacun épaulant l’un et l’autre, chacun participant à ce travail collectif de mémoire.
Il y a aussi des proches qui veulent s’impliquer de manière matérielle. Souvent, ils reviennent avec des vêtements pour d’autres bébés à donner à la maternité, ils sont présents lors des consultations avec les parents, ils s’occupent des enfants déjà nés, … Ils nous expliquent qu’ils ne peuvent pas comprendre, mais qu’ils veulent soutenir. Ils posent beaucoup de questions, vont gérer les aspects administratifs.
En effet, le discours des proches se rapproche parfois de celui des pères : ils ne s’autorisent pas à penser cette mort comme une perte les concernant directement, une perte faisant partie de leur vie, et/ou ils ne se posent qu’en soutient des parents, pensant que leur peine à eux est forcément moins importante. Or il est nécessaire de rappeler, tout en ne niant pas la place très particulière des parents dans cet évènement, que chaque peine est unique. Il n’y a pas de hiérarchie à la douleur et chaque deuil est profondément personnel et intime.
Aline, psychologue à Petite Emilie
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La parole des proches
Je m'appelle Mathilde, je suis la tata de cœur et marraine de Margaux, une étoile filante. Il y a quelques moi j'ai appris par ma meilleure amie (petite sœur de cœur), qu'elle était enceinte après un début de parcours PMA. Elle m'avait demandé depuis longtemps si j'accepterais d'être là marraine de son enfant.
A l'annonce très tôt de cette grossesse je savais déjà que je deviendrais tata de cœur et marraine le 17mars (le 18 étant déjà pris par ma fille). Un honneur, une fierté ! Je l'aimais déjà ! La première chose que j'ai faite c'est acheter un cahier et j'ai commencé à écrire mon histoire avec sa maman, mon ressenti, mes doutes, bref tout ce que j'avais envie de lui transmettre. La grossesse avançait et des soucis ont commencé à arriver, avec l'annonce de l'amniocentèse et des résultats peu encourageants en amont, je savais que je ne la tiendrais pas dans mes bras, que je ne l'entendrais jamais dire tata et qu'elle ne ferait pas ses débuts équins sur Ricoré.
Là je savais que mon amie avait besoin de moi. Oui mais comment ? Quelle aide /soutien aux parents quand ils perdent tout ? Je me suis sentie inutile et démunie, alors j'ai erré sur les réseaux sociaux, j'ai lu, j'ai cherché de l’aide pour à mon tour pouvoir aider. J'ai proposé à mon amie de coudre un petit nid, elle a été touchée par cette attention, elle en à parle à son conjoint. Je leur ai montré à quoi ressemblait ce petit nid afin d'y déposer leur fille et qu'elle y sente tout l'amour des gens qui l'aiment.
Ils se sont accordés sur un joli coton avec une renarde endormie et j'ai choisi le tissu doudou assorti. J'aime coudre très tôt le matin, quand tout le monde dort et que la maison est calme. J'ai donc découpé, épinglé et cousu en pensant à Margaux. J'y ai mis beaucoup d'amour, d'attention, d'intention et de larmes. J'ai imaginé la réaction des parents lorsqu'ils verraient pour la première fois leur fille dedans. Avant que tout le monde se lève le petit nid plume était réalisé.
Je l'ai trouvé beau, doux et plein d'amour mais aussi tout petit. Inès, ma fille de 7ans m’a demandé si c'était pour ses poupons, je lui ai expliqué que non c'était pour des tout- petits bébés. Je l'ai prise sur mes genoux et je lui ai parlé des bébés qui partent trop tôt, c'était une très jolie discussion, on en parle trop peu à nos enfants de ces bébés partis trop tôt. Elle a dit cette jolie phrase " tu fais de jolies choses, les parents vont être contents que leur bébé parte dans un joli cocon, continue " Puis elle est partie jouer ...
J'ai envoyé des photos à mon amie, ils ont trouvé le petit nid très joli. J'ai attendu un peu avant de leur offrir, c'était pas encore le bon moment, puisse t'il y en avoir un. Puis la veille de la prise des médicaments, je leur ai déposé devant leur porte puis je suis partie. Ils ont trouvé le petit nid, ils l'ont trouvé joli mais également tout petit mon amie m'a dit c'est là où on se rend compte de la petitesse de notre enfant.
Margaux est née le 28 octobre, entourée de l'amour de ses parents, famille et amis. J'ai vu des photos de Margaux dans son petit nid et elle était magnifique. Depuis l’envol de Margaux, nous en parlons beaucoup avec sa maman. Nous sommes allées nous faire tatouer ensemble. Une femme enceinte avec une étoile qui scintille pour mon amie et moi cette même étoile qui scintille. Le 28 novembre j’ai offert une carte à planter afin que des fleurs poussent, ce sera les fleurs de Margaux. Margaux a fait de mon amie une maman et de moi une marraine /tata de cœur.
Notre amitié est douce, solide et sincère. Depuis le 28 décembre nous avons fait une cérémonie rassemblant la famille et les personnes souhaitant être là pour dire au revoir à Margaux et épauler ses parents. C'était doux, poignant mais nécessaire pour avancer malgré la douleur.
Mathilde
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Je m'appelle Sindy, 36 ans maman de 2 enfants mais également Tat'ange d'un petit Thiago né sans vie le 21 mai 2015.
Thiago mon neveu est né sans vie suite à une interruption médicale de grossesse due à une maladie appelée le Spina Bifida. Ce jour tout s'écroule pour ma sœur. Moi comment dire, je ne réalise pas car pour moi ça n'était pas possible, ça n'arrive qu'aux autres comme on dit tout le temps et bien
non. Moi qui étais contente de faire ma grossesse en même temps que ma sœur nous allions tout partager ensemble, nos enfants auraient le même âge, tout était parfait dans ma tête et là tout s'écroule. Il ne se passera rien de tout cela, alors je me sens mal car moi je suis toujours enceinte, je m'en veux. Pourquoi elle et pas moi ? Je suis triste et désemparée, je ne sais pas quoi dire.
Alors je suis venue aux funérailles, j'habite dans le sud et cela avait lieu à Paris. J'ai pris le train et j'ai essayé de soutenir ma sœur du mieux que j'ai pu, je ne sais pas si j'ai réussi. La chose dont je peux vous parler c'est que le jour des funérailles j'ai serré la main tellement fort à ma sœur qu'elle avait un hématome sur la main.
Je me suis sentie impuissante face à la douleur que ma sœur peut ressentir face à ce deuil.
Comment réagir, que faire, que dire dans cette situation ?
Je me suis sentie démunie. Triste je l'ai été et je le serai chaque fois que je pense à Thiago. Forte je dois le rester pour ma sœur, mes enfants, ma famille. Déterminée c'est ce que je suis devenue à penser et à croire que quelque part là-haut il y a cet ange.
Voilà, mon témoignage n’est peut-être pas parfait avec mes mots à moi qui peuvent paraître un peu brouillon pour certains mais très clair dans ma tête. Cela n'est pas facile comme situation, je ne la souhaite à personne.
Thiago, mon neveu, est et restera à jamais dans mon cœur.
Et je souhaite tellement de courage aux personnes qui ont vécu la même situation et surtout à ma sœur Élodie qui se bat, s'accroche, mais qui ne guérira jamais de ce deuil car, je le sais j'en suis convaincue, on ne guérit pas de la perte d'un enfant.
Sindy
Crédit photo Freepik
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