Meilleures mères ? - Témoignages
La traversée d’un deuil périnatal affecte inévitablement les parents, qu’ils soient en devenir, ou déjà comblés d’un ou plusieurs ainés. L’équipe de Petite Emilie vous propose ces deux témoignages :
Il y a quelques mois, en regardant un téléfilm consacré au deuil périnatal, j'ai entendu une soignante tenter de rassurer sa patiente de nouveau enceinte après une MFIU, en lui disant qu'avec ce vécu, elle serait forcément une meilleure mère, plus sensible, plus à l'écoute.
Ce discours m'a interpellée, posé question.
Au cours de ma pratique professionnelle, mais aussi au sein de Petite Emilie et dans mes relations personnelles, j'ai rencontré énormément de mamans. De toutes les nationalités, toutes les cultures, toutes les religions.
Certaines ont vécu un deuil périnatal, d'autres non; certaines ont eu un parcours long et difficile pour avoir des enfants, d'autres ont fondé une famille nombreuse sans embûche.
J'ai rencontré des mamans solos, des mamans malades, des mamans d'enfants handicapés, autistes, malades...
Des stressées, des angoissées, des zen, des strictes, des plus cools, des maternantes, des mamans au foyer, des "working-mum", Et pour la grande majorité, des mamans qui sont un peu tout ça à la fois.
Chacune avec son histoire, sa sensibilité, ses convictions, sa façon de voir la vie en général.
Est-ce que le fait d'avoir perdu mon fils fait de moi une mère meilleure que toutes ces femmes ? Est-ce que cette épreuve me donne le droit de me considérer au-dessus d'elles ?
C'est vrai qu'à une période de mon deuil, il m'est arrivé de ressentir quelque chose de cet ordre. Rien d'aussi tranché, mais plutôt le sentiment ou le besoin (un peu prétentieux, il faut bien l'avouer) d'avoir un quelque chose de plus que les autres n'ont pas, comme une force supplémentaire qu'elles ne pourraient pas comprendre.
Puis ce sentiment s'est rapidement estompé, et avec le recul, je pense qu'à ce moment j'avais juste besoin de donner du sens à la perte de mon bébé. J'avais sûrement besoin de me raccrocher à un semblant de sentiment "positif" juste pour moi, à cette forme d'égoïsme qui peut parfois nous paraître essentielle pour avancer.
Aujourd'hui, près de 13 ans après mon IMG, cette petite phrase entendue dans ce téléfilm résonne pour moi de manière bien différente.
D'abord, qu'est-ce que ça veut dire "être une meilleure mère" ?
Rien n'est plus subjectif que vouloir définir les "bonnes mères" et les "mauvaises mères" (à part peut-être dans des cas extrêmes de maltraitance). A mon sens, cette définition relève plus du jugement, influencé par notre propre système de valeurs.
De fait, une éventuelle comparaison est également un jugement, normal, humain, mais malgré tout loin d'être réellement objectif.
Alors puis-je vraiment dire ou penser que le fait d'avoir vécu un deuil périnatal fait de moi une mère plus attentive et plus aimante que les autres ?
Sans hésitation, ma réponse est non.
Et j'irai même plus loin en disant que ce discours qui se voudrait rassurant peut avoir au contraire un effet dévastateur, par le simple fait qu'il sous-entend que d'éventuelles difficultés d'attachement avec l'enfant suivant sont impossibles, n'existent tout simplement pas.
Et pourtant, ces difficultés existent bel et bien; je les ai vécues, comme beaucoup d'autres. J'en ai ressenti de l'incompréhension, et surtout beaucoup de culpabilité.
Par chance, personne ne m'avait prédit à l'avance que je serai nécessairement une meilleure mère, une mère « infaillible ». J'ai donc pu gérer cette culpabilité, et créer le lien avec ma fille, tout doucement, à notre rythme, mais un peu plus sereinement.
Au delà de ces 1ers temps difficiles, la question se pose aussi de manière plus large : Est-ce que ce que j'ai vécu fait de moi une meilleure mère que celle que j'aurais été sans cet événement ? Je n'en sais rien, et je ne le saurai jamais ... et finalement je n'ai pas besoin de le savoir.
Je suis juste une maman ordinaire, humaine, comme tout le monde, à l'écoute autant que possible mais fatiguée et impatiente parfois; avec mon histoire, ma personnalité, même si elle a été modelée par certaines souffrances. J'ai évolué, je me suis adaptée au fur et à mesure que mes filles ont grandi.
Comme toutes les autres mères finalement !
Adeline
Lorsque j’ai perdu ma fille en 2009, j’avais déjà la chance d’être la maman d’un petit bonhomme de 2 ans. Cette maternité épanouissante me comblait pleinement. Je ne me posais alors pas la question d’être une bonne ou une mauvaise mère, j’étais mère tout simplement !
Ma maternité et mon rôle de mère ont été mis à mal avec la mort de mon bébé. Comment être une bonne mère alors que j’avais le sentiment de ne pas avoir su prendre soin de mon bébé ? Comment prendre soin de mon aîné et l’aider à grandir ? Je prenais soudainement conscience que la culpabilité m’accompagnerait dorénavant dans mon expérience de mère et je n’avais aucune idée de combien de temps cela allait durer.
En allant sur le forum et en discutant avec d’autres parents ici et là mais aussi en regardant le téléfilm auquel fait référence Adeline, j’ai découvert qu’une idée forte allait de pair avec la perte d’un bébé : celle d’être une meilleure mère avec l’enfant d’après.
Alors, je me suis interrogée sur la mère que j’étais avant et celle que je suis maintenant.
Il est indéniable qu’il y a un « avant » et un « après » mais je ne saurais pas dire si je suis une meilleure mère pour autant. Je suis sûrement plus protectrice qu’avant, plus consciente de la chance que j’ai d’avoir mes enfants, plus angoissée aussi par moment.
Je ne suis pas meilleure mère que toutes celles que je croise dans la rue, je ne suis pas plus légitime non plus. Je n’avais pas plus le droit qu’une autre mère d’avoir deux autres enfants après Emilie. Et pourtant, tout comme l’idée d’être une meilleure mère après la perte d’un bébé, l’idée d’avoir le droit plus qu’une autre femme à la maternité revient souvent dans l’esprit des gens. Comme si les épreuves de la vie ouvraient des droits et nous permettaient de contrôler Dame Nature. Je crois que cela fait partie des fantasmes et des peurs liés au deuil périnatal. A l’inverse, certains parents pensent qu’ils ne seront jamais plus parents.
Je reste persuadée que ce sont les évènements de la vie qui font de moi la mère que je suis actuellement. Ma première fille, tout comme mes autres enfants, m’a façonné. Je ne suis pas la mère que je serai demain parce que je ne sais pas ce que me réserve la vie mais je savoure pleinement les moments passés avec eux parce que je sais maintenant que tout peut s’arrêter demain.
Céline
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