Briser un tabou ?
Je me souviens de ces premiers livrets que j’ai remis à mon gynécologue ou encore à la maternité la plus proche de chez moi. C’était pour moi une évidence. Je me devais d’informer. Je me souviens aussi de cette légère angoisse avant de franchir la porte. Vais-je savoir répondre aux questions ? Ne vais-je pas être envahie par mes propres émotions ? Je ressortais soulagée.
Aujourd’hui je reviens sur mon expérience avec un regard différent. Mes attentes sont différentes même si selon moi les enjeux restent les mêmes : sensibiliser / rompre un tabou. Il m’a fallu du temps, temps nécessaire pour prendre du recul par rapport à ma propre expérience, mes propres douleurs, pour dépasser la seule envie de hurler ma douleur, du temps pour comprendre ce qui pouvait être à l’origine de ces silences, de cette incompréhension et enfin du temps pour réfléchir aux moyens d’action les plus efficaces.
Développer des sujets dans la presse, émissions télévisées, des actions publiques. Certes, les familles se reconnaissent dans ces témoignages et ont le sentiment que l’on parle enfin d’elles, de leurs histoires si particulières. Ces émissions sont souvent basées sur des témoignages de mères, qui ont perdu leur enfant récemment. Le deuil périnatal, ses spécificités ou ses traits communs à tout deuil ne sont que très rarement abordés au profit en général d’une discussion autour d’une description des faits, de la grossesse suivante. Je suis donc assez réservée quant à l’efficacité réelle de ces actions en terme de sensibilisation. Bien évidemment, elles restent importantes pour les familles confrontées au deuil périnatal, à leurs proches qui les visionneraient. Elles permettent de rompre l’isolement et permettent l’expression d’une douleur extrême. Que retiendront ceux et celles qui « découvriront » que l’on peut perdre un enfant dans de telles circonstances ? Arriveront-ils à dépasser leurs premières impressions, premières impressions bien souvent éloignées de nos attentes ? Que comprendront-ils au sujet du deuil périnatal ?
Finalement, ne devrions-nous pas nous interroger sur le message que nous aimerions transmettre au public de ce type de médias ? Ne serait-il pas judicieux de trouver un moyen de faire comprendre que le plus important en matière de deuil périnatal, c’est de reconnaitre la perte d’un tout-petit et la souffrance qui l’accompagne, de trouver une manière de soutenir les couples et les familles concernées en dépassant ces petites phrases maladroites et tellement blessantes, de même que ces absences et ces silences contraints par un malaise palpable. Et aussi parler de la reconstruction avec ou sans autre enfant (avant, et / ou après la perte de ce tout petit), que cette reconstruction ne passe pas seulement par la grossesse suivante mais par le sens que nous donnons à notre vie après cette rencontre si particulière avec notre tout petit, après ce deuil si méconnu et encore tabou. Parler du temps qu’il est nécessaire de prendre pour se reconstruire.
Rejoindre une association telle que Petite Emilie permet :
- D’agir en collaboration avec les professionnels qui accompagnent quotidiennement les familles dans leur difficile parcours. Répondre aux demandes de formations des équipes de maternité qui s’interrogent sur la prise en charge des parents. Etre présentes sur des congrès et parler des actions menées. Participer à des congrès pour témoigner de notre vécu et du chemin de la reconstruction. Ce sont, à première vue, des actions qui ne touchent pas directement les familles ni leurs proches. Elles se font bien souvent discrètement. Pourtant, elles permettent un véritable échange avec les professionnels, une meilleure connaissance du vécu des parents et ainsi un meilleur accueil des familles. Pourtant, elles permettent un meilleur accueil des familles. Selon moi, il s’agit là d’un premier pas essentiel vers l’acceptation et vers une reconstruction future.
- De renseigner, accompagner ceux et celles qui sont confrontées à un deuil périnatal. Rompre ainsi la solitude en ouvrant des espaces de discussion voire de rencontres. Trouver en un seul et même endroit un ensemble d’informations fiables.
Nous pourrions aussi ouvrir ce chantier difficile qu’est la communication autour de ce sujet auprès du grand public. C’est ainsi que l’association Petite Emilie a inscrit cette action au programme d’activité lors de sa dernière assemblée générale. Toutefois, la tâche n’est pas si simple et demande non seulement un réseau de contacts bien situés mais aussi une certaine finesse dans la manière de s’intéresser à un sujet qui n’est pas des plus porteurs en matière de perspectives d’audiences ou de ventes de presse et qui peut se heurter à des considérations politiques ou religieuses qui nous éloigneraient de notre objectif. Ce projet n’est pas encore abouti mais reste toujours d’actualité.
Le deuil périnatal comme d’autres deuils restent des sujets délicats à aborder. Ils sont parfois méconnus ou véhiculent des idées fausses ou encore touchent chacun en ce qu’il a de plus sensible. Sensibiliser la population reste un acte essentiel pour que les personnes touchées ne souffrent pas davantage ou inutilement mais cela doit être réfléchi pour que notre message soit entendu.
Valérie, Clarisse et Juliette
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