Les rites et rituels autour du deuil périnatal - Témoignages
Introduction
« Avec force le rite unit et répare là où la mort vient de désunir et meurtrir. »
Youki Vattier, Réenchanter la mort, 2018
Les phases du deuil périnatal vécues par les parents illustrent leur cheminement intérieur qui est étroitement lié à l’entourage et aux rites individuels et sociaux participant à aider les parents à affronter leur perte. Pourtant si naturel lors du décès d’une personne, la ritualisation de la perte peut aujourd’hui encore surprendre lors des grossesses inachevées. Même si la souffrance et le cheminement vis-à-vis du deuil sont propres à chacun, le dévoilement et le partage des rares moments d’un vécu « non incarné » des tout-petits partis trop tôt soutiennent les familles et favorisent le processus de deuil.
C’est notamment par les rites funéraires que la société reconnait la perte d’un de ses membres et permet un portage collectif des proches. Certains parents choisissent cette voie, qui peut commencer à travers des rituels d’accompagnement vers la mort, lors d’une IMG, et se poursuit par des hommages signifiant la séparation. Ces rituels peuvent aider à incarner, partager et dire au revoir.
Pour les anthropologues, les rites autour du deuil constituent un des ancrages à la civilisation.
Pour les parents, c’est aussi reprendre de la maitrise sur la dimension déstructurante de la perte de leur tout-petit et se recréer un quotidien au-delà de la mort.
Qu’ils soient courts ou longs, c’est l’intention mise derrière ces rituels qui compte. Répétés selon les envies et les besoins, ou n’ayant lieu qu’une fois, ils permettent d’extérioriser les émotions et de sortir du chaos pour que la vie reprenne peu à peu sa place, avec sérénité.
Les rituels, ainsi que la dimension sociale de portage collectif par les rites funéraires sont des éléments protecteurs du cheminement à travers le deuil périnatal.
Morgane, bénévole à l’association Petite Emilie
Témoignages
"Il y a deux ans j’ai appris… j’ai appris ce qu’était la violence, et le traumatisme.
Et depuis j’apprends l’absence et le manque.
Une grossesse de rêve, puis le choc.
Ava, notre fille, est décédée in Utero à 7 mois de grossesse.
Comme poussée du haut d’une falaise, une chute longue et vertigineuse.
Alors, en un réflexe très humain j’imagine, je bats des ailes, aléatoirement, et agite les bras dans tous les sens pour me raccrocher à n’importe quoi. Ce « n’importe quoi » a pris la forme de symboles, de rituels, nécessaires à la prise de conscience, et au souvenir.
Le premier geste que je fais c’est pour elle, pour qu’elle sache qu’elle n’est pas seule, qu’elle ne part pas sans nous, et que nous penserons toujours à elle. A la morgue, je lui accroche un bracelet doré au poignet, et je dépose dans son berceau une photo de nous 4. Nous nouons le même ruban à nos avant-bras. 2 ans après, je le porte toujours.
Le lien est intact, ma douleur aussi.
Puis, nous partons voyager, et peu importe la religion, nous faisons une prière pour Ava dans chaque lieu de culte, devant chaque autel que nous croisons. Le cordon est coupé, seule reste la spiritualité, au sens philosophique, car paradoxalement, je me sens abandonnée par Dieu.
Cependant, la sérénité des lieux de culte est, pour moi, la plus propice au recueillement.
Comment l’expliquer… nos prières et nos pensées semblent prendre le chemin le plus court pour l’atteindre. Symbole de mouvement et de sacrifice, une bougie accompagne chaque soir ou presque l’endormissement des garçons… cette « présence » est apaisante. Une flamme rougeoie et c’est Ava que nous voyons danser, s’amuser. Sandro peut alors s’imaginer sa chambre sur le nuage, et son réveil par le soleil. Lorsqu’il faut souffler dessus, nous lui disons « bonne nuit ».
Tout nous ramène au ciel, à cette petite étoile qui brille plus que les autres et à qui nous envoyons des « présents » quand nous en ressentons le besoin. Un mot manuscrit de chacun, un dessin de Sandro, une miette de chouquette de Zadig, et nous laissons s’envoler 5 ballons gonflés à l’hélium.
Portés par le vent, ils sont les messagers de notre amour."
Tina, maman de Ava
"Lors de la perte de notre petit prince des étoiles Eiden à 25SA suite à une IMG, nous avons rencontré le 13 août la cadre sage-femme qui allait prendre en charge notre fils à la naissance et elle nous a proposé de le baptiser. Nous n’en avions pas parlé avec mon mari, nous sommes croyants mais non pratiquants.
Le jour de la naissance le 17 août, lorsque la sage-femme nous a amené notre petit elle nous a à nouveau proposé et nous avons tous deux accepté. Elle a baptisé notre petit prince…"
Delphine et Nicolas, parents de Eiden
"Nous sommes les parents de trois enfants. Khadija est décédée le 5 juin 2020, nous avons décidé de la faire inhumer au carré musulman aux côtés d’autres bébés. Pour nous c'était très important d'avoir un endroit où se recueillir. La prière au cimetière s'est déroulée avec les hommes, et mon mari a pu porter le cercueil jusqu'à la tombe. Suite à ça, 2 mois plus tard nous avons organisé un couscous en l'honneur de notre fille bien aimée."
Laura, maman de Khadija
"Lorsque nous avons dû dire au revoir à notre petite fille chérie, à 32 SA, le choc a été terrible bien que déjà dans une grossesse médicalisée pour tenter de la sauver (opération in utero). Chaque jour depuis, nous avons des petits rites qui se sont installés.
Au moment de l’accouchement, alors que son âme s’envolait, nous avons passé plusieurs heures magiques et époustouflantes avec elle, nous avons pris quelques clichés d’elle dans mes bras et l’avons habillée d’un petit body blanc et de petites chaussettes roses choisies avec soin. Nous avions déposé quelques gouttes d’une douce eau de Cologne sur son body et glissé une lettre qu’on lui avait écrite, pour qu’elle parte avec.
Depuis, nous partons toujours avec une petite pochette dans laquelle nous avons glissé les mêmes bodys et chaussettes, son bracelet de maternité, ses empreintes, ainsi que l’eau de Cologne et qui nous permet de nous sentir au plus proche d’elle quand le manque de notre fille devient trop fort...
Nous allons de temps en temps au Père Lachaise, nous portons mon mari un bracelet et moi un pendentif avec son initiale V, offerts par nos meilleurs amis et nous jouons parfois un jeu à gratter le jour anniversaire du 30. Nous regardons souvent des photos. Elle est avec nous au quotidien, et nous en avons besoin."
Maman de Victoria
"Nous avons choisi l’inhumation pour notre bébé Eliott. Quand est venu le choix de l’urne, rien ne correspondait à nos envies. Nous est alors venue l’idée de lui faire fabriquer une urne en forme de fusée, une annonce dans le journal local et nous avons rencontré une personne formidable qui nous a fabriqué et offert la fusée. Elle est unique au monde, comme notre bébé. Ce rituel nous a permis d’avoir un objectif et de garder la tête hors de l’eau."
Maman d’Eliott
"Léa nous a quittés ce 20 juillet 2021 à 18 semaines et 3 jours. Atteinte du syndrome de Turner. Nous avons su tout de suite que nous accompagnerons Léa jusqu’au bout et qu’il était inconcevable pour moi que Léa ne soit pas baptisée. Même si nous n’étions pas pratiquants et plus ou moins croyants.
Nous avons fait appel à l’aumônerie de l’hôpital le matin avant l’IMG. Ce fut un moment de communion avec elle, de prière et de demande d’accueil. L’aumônier est repassé le lendemain. Nous avions Léa dans nos bras. Nous avons pu lui organiser un baptême, une cérémonie religieuse avec les symboles du baptême : la lumière (bougies), le drap blanc (sa petite couverture de bébé) et l’encens. Savoir Léa accueillie parmi les anges.
Savoir aujourd’hui où elle se trouve, dans un endroit de paix et d’amour, nous a aidé à être plus sereins et à pouvoir lui dire au revoir.
Nous lui avons également organisé une petite cérémonie laïque lors de sa crémation. Ce rite païen nous a permis de lui dire également tout ce qu’on souhaitait avant son envol par des chants et des textes personnels.
Grâce à ces rites et rituels, nous pouvons communiquer avec elle en prière aujourd’hui, en pensée, en allumant une bougie, en brûlant de l’encens, en allant dans une église. Nous savons qu’elle nous accompagne au quotidien d’une façon spirituelle. Tout cela nous a apaisé dans notre deuil. Nous savons que nous lui avons offert une magnifique journée rien que pour elle, nous en sommes fiers et heureux. Et nous n’avons aucun regret, ce qui est essentiel dans notre reconstruction."
Coralie, maman de Léa
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